Wednesday 18 October 2017

Un rêve américain

King Peter pour les Américains, Zolu Duma pour les siens, régnait sur la côte des grains en Afrique de l'Ouest, du nom de son poivre raffiné (la graine de paradis). Cette côte côtoyait d'autres côtes aux ressources plus ou moins bien cotées aujourd'hui: celle d'ivoire (excellente cote, preuve le nom du pays), la côte-de-l'or (où le cacao est bien coté aussi, preuve l'éléphant doré ghanéen-belgo-suisse-américain), et la côte des esclaves (la ressource humaine a mauvaise cote de nos jours, Bénine soit elle).

C'est par un commerce habile en ivoire et en esclaves (émigration bien cotée de son jour) que Zolu Duma atteint le haut de l'échelle au paradis local, territoire dont le nom actuel est libéré du poivre mais pimenté d'un colonialisme libérateur. Habile aussi, un Américain de 1821 pose un canon sur la tempe de Zolu pour qu'il optempère et vende de bons lopins, afin d'y recaser des esclaves libres; l'Histoire ne parle pas de recaser l'ivoire. En 1825, Zolu Duma optempére encore et lâche des terres contre  3 barrils de rhum, 5 tonneaux de poudre, 5 parapluies et autres babioles - puisque ce troc avait fonctionné avec les Amérindiens, autant répéter le truc avec les Afroafricains.

Ainsi naquit le Libéria, de colonies fondées au paradis d'Afrique, par l'American Colonization Society, dont la raison sociale etait de re-localiser 'chez eux' les (quelques) esclaves libres d'Amérique (encore 40 ans à se cotonner pour les autres).  Aux raisons louables, s'ajoutait une rengaine économique, plus socialement orientée: tous ces allochtones libres, fils et petit-fils de migrants involontaires, n'allaient-ils pas bouffer l'emploi des 'autochtones' d'Amérique, ces fils et petit-fils de migrants volontaires?

Treize mille Afroaméricains libres traversèrent d'Est-Amérique en Ouest-Afrique pour s'établir au Libéria, passant d'une minorité à une autre (disons Amérafricains?). Imposant leur culture occidentalisée amérafricaine,  supérieure dans leur libre-arbitre à l'afroafricaine indigène, ces Treize et leurs petit-fils ne mélangeront pas leur sang, ou si peu, avec les 95% d'autochones. Craintes d'aujourd'hui, fait de l'Histoire d'alors: prise du pouvoir par les migrants minoritaires, soutenus par une puissance étrangère. Les 5% d'Amérafricains ne libèreront pas ce pouvoir, conservé plus de cent ans, jusqu'au coup militaire d’un sergent-chef Afroafricain - formé bien entendu par les bérets verts américains, l'Histoire a de ces boucles..

Le sergent-chef-président Libérien tiendra jusqu'à la guerre civile du tristement célèbre Charles Taylor. En double négation positive, Taylor est pourtant un contre-exemple de la non-intégration entre hommes libres: Charles naît de mère Gola, l'ethnie afroafricaine de Zolu Duma, et de père Amérafricain - pas de père Gola chez lui, il a un goût pour la lumière.

Doublement libre de naissance, diplomé d'université américaine (tiens, encore),  maître-achats du sergent-chef, cet intégré par le sang détourne 1M$, puis la case prison (à Boston), une évasion aux draps noués (Crédibilité Impossible Absolument), un stage chez Khadafi pour compléter sa formation, une poussette militaire qui fait tomber le sergent-chef, élection reconnue (ONU et tout le bataclan), une guerre bien dégueulasse chez le voisin, l'Oncle Sam (tiens, encore) qui le pousse hors Libéria, il cesse d'être un homme libre.

Malgré son patronyme de manuel scolaire, Taylor compte aujourd'hui ses sous de riche en prison, pénurie de draps noués.  Les juges de La Haye lui ont taillé un costume: onze crimes reconnus. Dont l'esclavage, l'Histoire boucle et reboucle.

Références: Historical dictionnary of Liberia edition 2001, wikipedia.org

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