Tuesday 5 June 2018

Délicieusement vôtre


Horticulture, l'art de cultiver un jardin ('Hortus'), la culture manuelle de délices fleuris. La culture intellectuelle peut éclore en fleurs elle aussi, délicieuse aussi, juste besoin d'une touche féminine. Ainsi fleurit au XIIème siècle "Hortus Deliciarum", un bouquet de savoir, une encyclopédie illustrée, sous la direction de la rousse (enfin, on ne sait pas, elle portait voile). "Le Jardin des Délices": admirons beauté et poésie féminines du titre, plus fleuri et grand public que l'Encyclopédie de Diderot&co, le  "Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers". Rien qu'à lire ce titre là, on réduit l'audience à France Culture. En revanche, le "Jardin des Délices", c'est Club RTL, ça fait penser à un concours de chefs.

Ou de cheffes - respectons l'équité. A propos, dit-on cheffes-poules? Diffusée au XIIème, "Hortus Deliciarum" est la première encyclopédie réalisée par une femme, Herrade, abbesse en cheffe couvant ses moniales au mont St Odile. La "mère poule du couvent", aurait titré Club RTL.  Selon la rumeur numérique (Wikipedia), le "Jardin des Délices" a été écrit par une femme pour des femmes, les moniales utilisant l'oeuvre pour enseigner aux jeunes filles de la noblesse (et hop, on veut faire preuve d'équité et ça vous zappe de Club RTL à Place Royale, quel drôle de genre).

Très visuelle à l'oeuvre, la cheffe était une sacrée enlumineuse (en culture intellectuelle, on n'utilise pas le verbe "allumer" pour éclairer le lecteur). "Hortus deliciarum" est la première encyclopédie à adopter une dialectique ludique, privilégiant l'image sur le texte. Herrade voulut-elle s'adapter à son public?  Cette première est un jardin d'images superbes, bien plus séantes à France Culture qu'à Place Royale; voyez l'allégorie de la philosophie et des sept arts libéraux, un chef d'oeuvre d'harmonie.

Ces sept arts, présentés par sept jeunes filles dans l'allégorie de Cappella, reprise par Hérrade, constituent en quelque sorte le coeur de l'enseignement 'secondaire' au Moyen Age. Ah ah, y a-t-il concordance des temps avec notre enseignement? D'abord, le trivium des sciences du langage: 1) Grammaire (certainement, pratique d'Hérrade pas éradiquée), 2) Rhétorique (certes un peu, mais plutôt en fin de cours), 3) Dialectique ('certes' tout court, comme dirait l'Hermitte pas très moine un jour de Noël). Puis vient le quadrivium des disciplines scientifiques: 1) Astronomie (nivellement par le bas, remplacée par géographie de nos jours), 2) Géométrie (conservée pour quand même voir un peu dans l'espace), 3) Arithmétique (dépassée en nombre par la mathématique, positivons), 4) Musique (jugée autrefois indispensable à notre équilibre, négativons). Re-positivons: par rapport à Hérrade et son oeuvre, une jeune fille Babel mériterait une place dans le dernier illustré en rayons. Et... comment puis-je oublier.... un illustré avec des jeunes filles sans Histoire, ça se vendrait mal!

Avant le style illustré d'Herrade et le style exhaustif D'Alembert&co, l'encylopédie a connu d'autres premières de style. Dès le IVe siècle, l'encyclopédie au style allégorique à Cappella (une première pour les sept jeunes filles, forcément sans tambour ni trompette), puis au VIIe le style étymologique et alphabétique d'Isidore de Séville. S'il avait du style, l'évêque Isidore péchait parfois! Ô suprise, Isidore localise sur terre le paradis terrestre. Où? Pour les curieux: "Paradisus est locus in orientis" (Livre IV §3 de Etymologiae). Isidore explique aussi que "Paradisus" signifie "Jardin" en latin, et que "Eden" signifie "Délice" en Hébreu -- tiens donc, l'abbesse n'était pas biesse!

Sources: wikipedia.org, "Le père Noël est une ordure", classes.bnf.fr

No comments:

Post a Comment

Trois c'est trop

Si Ricard est la crème de la pastisserie amère, ce n'est pas grâce à feu Charles Pasqua, la "Mère Teresa du RPR" (dixit de son...