Saturday 26 August 2017

Arènes biotiques

Regardez un crapaud à l'oeuvre: il est amphibien, ce qui signifie qu' il vit aussi bien des deux côtés de la surface, sous l'eau ou à l'air libre. Amphibie: du grec ancien 'amphi' (les deux côtés), et de 'bios', la vie. Racines que l'on retrouve dans 'antibiotique', une bienfaisance qui tue la vie (celle de la bactérie), et dans 'amphitheâtre', autre oeuvre de bienfaisance (du pain et des jeux, que veut le peuple?), qui tuait parfois aussi, mais pas que des bactéries. Par construction étymologique, l'amphithéâtre est ce truc rond qu'on obtient en collant bout à bout deux théâtres romains, un de chaque côté de l'arène. Comme dans un stade de foot, on isole ainsi d'un côté les aggressifs, pour protéger les pacifiques sis dans le théâtre de l'autre côté: vu la taille de l'arène, la bave du crapaud n'atteint pas la blanche colombe. Quant à savoir si l'expression sied au contexte, devinez de quel côté sied l'auteur, l'âme en paix.

Si vous couronnez l'amphithéâtre par une galerie supérieure réservée aux femmes et aux esclaves (il me fût demandé de replacer une remarque un rien misogyne sans faute d'orthographe, la largeur de l'arène me semblait être de bonne protection), vous obtenez ainsi le Colisée, amphithéâtre de référence pour gladiateurs antibiotiques. Acteurs plutôt braves, ou plutôt de braves acteurs? En tous cas, les uns et les autres demandent un petit coup de pouce de l'auguste metteur en scène pour terminer leur performance. Et le spectacle se termine très proprement: c'est pour absorber le sang que l'arène était sablée (joli pléonasme, puisque sable se dit 'arena' en latin).

Combats sanglants et antibiotiques sont inséparables: il aura fallu une deuxième guerre mondiale pour qu'on produise en masse la pénicilline, isolée par Fleming en 1928, plus efficace que le sable romain pour soigner les combattants.  Cet antibactérien est aussi plus efficace que l'antiseptique avec lequel on soignait souvent à tort les combattants de la première guerre mondiale - par rapport au sable, un net progrès tout de même. Fleming, déjà, l'avait expliqué: en simple, retenons que l'antiseptique (en grec: contre la putréfaction) prévient efficacement, mais n'attaque pas l'infection bactérielle. Au passage, merci à Oxford et au secteur public, car les firmes pharmaceutiques refusaient de s'intéresser à la découverte de Fleming, trop concernées par leur investissement (à juste titre, pouce levé) dans le Prontosil, l'antibactérien concurrent et efficace: Prix Nobel 1939, quel Domagk!

Prix Nobel aussi en 1945 à Fleming et consorts, pour 'évergétisme' dirions-nous, tiré du grec ancien 'evergeteo', faire le bien.  Terme malheureux: un prix Nobel n'a jamais enrichi un scientifique alors que l'évergétisme est un privilège de nantis. Il dénote (plutôt .. dénotait) l'obligation morale et sociale pour les riches, titulaires d'une fonction publique ou religieuse, à faire profiter la collectivé de leurs largesses. Terme d'Antiquité, l'évergétisme allait jusqu'au financement d'amphithéâtres ou de thermes - ces antiques riches ne crachaient pas sur un bain de foule. La terminologie s'est simplifiée depuis:  faire le bien se dit simplement bienfaisance. On ne distribue plus ni le pain, ni les jeux du cirque - de nos jours, ce sont les miettes et les jeux télévisés chez Vous (belgicisme d'orthographe intentionnel). Et les affairiches gardent leurs amphithéâtres pour eux - pensez au cirque de la Trump Tower; quant au bain de foule inaugural, fake news.


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